(Vu sur la Toile)

 

Forcés à « s’exiler de la côte », ils témoignent de la crise du logement au Pays basque
(Article de Elsa Provenzano • Rédaction journal 20 Minutes)

 

20 Minutes.- Dans le Pays basque, en particulier le secteur du littoral et du rétro littoral, les habitants ont beaucoup de difficulté à se loger à l’année. Les offres sont peu nombreuses et les prix très élevés : « De fin 2019 à janvier 2022, j’ai été mise face à l’impossibilité de trouver un logement à l’année pour mes deux enfants et moi, raconte Cécile qui travaille à Anglet. J’ai dû vivre dans un camping-car au sein d’un camping durant plusieurs mois, puis en location dans un mobile home quand cela était possible. Même en sollicitant les logements dits ”sociaux” je n’ai pas pu envisager l’espoir de revenir vivre au Pays basque. » Comme Carole, nombreux sont les Basques qui aujourd’hui confie avoir beaucoup de difficulté à se loger à l’année à cause d’une pénurie d’offres et de prix très élevés.

Tel est l’envers du décor de « carte postale » de la région qui attire environ 3 000 nouveaux habitants par an. Depuis 2018, les locations de meublés de tourisme ont augmenté de 130 % sur les secteurs les plus tendus : vingt-quatre communes du littoral et du rétro littoral (Anglet, Biarritz, Bayonne, Saint-Jean-de-Luz, etc.). La communauté de communes assure avoir pris ce problème, qui s’accentue depuis 2015, à bras-le-corps. Très récemment, en mars 2023, elle a mis en place, un principe de compensation qui oblige les propriétaires qui voudraient louer leur bien en location touristique de courte durée à produire un autre logement de la même surface et sur la même commune, pour une location à l’année. Une mesure à vocation dissuasive dont il faudra patienter un peu pour mesurer les effets.

 

« Je quitte le Pays basque, le cœur serré et triste »

 

Ainsi, Patrick, qui a répondu à notre appel à témoignages, a lui aussi renoncé à vivre au Pays basque, là où il a habité pendant trente-cinq ans avec son compagnon. Depuis leur séparation, il n’a tout simplement plus les moyens de s’y reloger. « Après des mois de recherche, j’ai trouvé à acheter dans les Landes, où je peux acquérir une petite maison, livre-t-il. Je quitte le Pays basque dans trois mois, le cœur serré et triste. »

Le propriétaire de Barbara veut reprendre son logement. Celle qui cherche donc depuis bientôt trois ans un nouvel appartement à louer parle d’un marché complètement paralysé, n’ayant réussi à décrocher aucune visite. « Il n’y a quasiment pas d’annonces de location à l’année et quand il y en a, elles sont à des prix exorbitants (par exemple 1 300 euros pour un 30 m²). Si nous ne trouvons pas dans le délai qui nous reste, nous serons obligés de quitter le Pays basque où nous sommes nés. Quelle tristesse… »

La situation décourage aussi les primo-accédants. Romain, 27 ans, est arrivé en 2019 à Anglet pour y travailler avec un statut de cadre et un salaire proche de 2 000 euros. En 2022, il souhaite acheter un T2 mais déchante en découvrant les prix avoisinant les 200 000 euros : « j’ai dû élargir ma zone de recherche et sortir de la côte basque pour m’établir à Saint-Martin-de-Seignanx, à vingt minutes en voiture. » Et Romain n’est pas le seul à s’éloigner vers l’intérieur des terres… « Les maires se plaignent car ils voient arriver de plus en plus de personnes qui ont pris le parti de s’éloigner de quinze à vingt kilomètres de la côte et les prix augmentent », commente Roland Hirigoyen, vice-président de l’habitat et du logement à la communauté de communes du Pays basque.

 

 

Jusqu’à 50 % de résidences secondaires

 

Selon Laurie, la confiscation des logements par la location saisonnière n’est plus à démontrer. Cette propriétaire d’un appartement T2 est submergée par les candidatures à l’approche du départ de sa locataire et ce, sans même avoir passé d’annonce ou fait visiter : « C’est par le bouche à oreille, car là où je travaille, à l’hôpital, certains sont à la rue en juin/juillet à cause de la location saisonnière. »

A en croire l’Union des loueurs de meublés de tourisme du Pays basque, le problème ne vient pas des locations de courte durée. « La très grande majorité des logements sont des résidences secondaires qui ne seront jamais mises sur le marché de la location à l’année car les propriétaires continueront de vouloir en profiter », explique-t-elle sur son site. Dans certaines de ces vingt-quatre communes les plus attractives du Pays basque, on trouve ainsi jusqu’à 50 % de résidences secondaires.

 

Eviter « l’explosion » de colère de la population

 

Avec la mesure de compensation à vocation dissuasive, « on pourrait récupérer 11.000 logements à l’année sur les zones littoral et rétro littorale », estime Roland Hirigoyen. Et de rappeler que la location saisonnière serait alors moins lucrative (elle donne droit à 60 % d’abattement fiscal actuellement). A noter que l’agglomération s’est également attelée à la construction de logements sociaux. La tâche est ardue. « La situation économique pénalise la construction de logements neufs à cause notamment de la raréfaction du foncier et de l’inflation sur les prix des matériaux, déplore le vice-président en charge du logement. Les opérations sont très difficiles à sortir et certaines ont même été stoppées en cours de route. »

Enfin, la communauté de communes souhaite aussi pouvoir mettre en place rapidement l’encadrement des loyers sur les vingt-quatre communes de la zone tendue. « Toutes les mesures que l’intercommunalité pouvait prendre, elle les a prises, on demande maintenant des mesures radicales à l’Etat », lance Roland Hirigoyen qui craint, sans action nationale forte, « une explosion » de la part de la population locale, déjà très remontée, et qui a manifesté à deux reprises dans les six derniers mois.

(Source Rédaction du Journal 20 Minutes)