A la veille de la manifestation de ce samedi 8 octobre 2022, organisée aux Tamarins, il n’est pas inutile de préciser la situation des blocs retrouvés en mer dont certains viennent d’être extraits par les plongeurs de la Gendarmerie de Saint-Cyprien sur ordre du procureur de Perpignan. On est dans le cadre de l’enquête en cours sur la «destruction volontaire d’un bien culturel archéologique» dans la zone proche de l’anse des Tamarins…
Images exclusives prises par l’association @Port-Vendres et Portvendrais par quarante mètres de fond !
Rappelons que de façon malencontreuse, en 2019 un déroctage ayant évolué vers un opération étendue de dragage portant la profondeur du port à près de dix mètres dans des zones où elle n’était que de huit mètres a conduit à la sortie d’eaux de blocs monumentaux identifiés comme pouvant appartenir à un sanctuaire antique. Certains de couleur blanche ont été relevés au pied du quai de la douane. D’autres plus sombres le long du quai Dezoums et l’anse des Tamarins.
Des témoins ont signalé à la gendarmerie que la barge de dragage semblait avoir évacué en mer un ou plusieurs changements antiques devant le port. Notre association à l’origine de ce signalement a détecté par sondeur de possibles accumulations de blocs – ou de rochers.
Le navire océanographique André Malraux du ministère de la Culture a confirmé l’information en précisant qu’il s’agissait bien de blocs de forme géométrique mais de nature minéralogique et d’âge inconnu.
Le procureur ayant classé sans suite les plaintes en 2020, l’association a levé des fonds d auprès de passionnés pour réaliser des plongées avec l’aide d’une société spécialisée avec la participation d’un des dirigeants de l’association, plongeur expérimenté.
En mai 2021 plusieurs dépôts étaient repérés. La découverte a été communiquée au Procureur Général de Montpellier qui a décidé de réouvrir le dossier en juin 2021. Le 17 octobre les dernières plongées ont permis de prélever des échantillons. L’analyse visuelle a confirmé qu’il ne s’agissait pas de béton mais de matériaux variés : granit à grandes inclusions noirs, calcaire et même basalte. Certains blocs sont fortement corrodés et concrétionnés témoignât d’un long séjour dans le port qui semble être le lieu d’origine. D’autres blocs présentent une face en biseau caractéristique des assemblages antiques.
Cinq des blocs ont été remontés et mis en dépôt par les gendarmes-plongeurs en mai 2022 pour examen par des spécialistes. Nous avons donc pu répondre aux journalistes de France 3 sans la moindre hésitation que ces blocs ne sont pas faits de béton. Ils semblent provenir d’un ouvrage portuaire antique.
Les grands blocs blancs vus par J-L. B., adjoint du maire qui ont été photographiés par J-C. B., n’ont jamais retrouvé bien que le chef de chantier ait confirmé aux enquêteurs qu’il les avait bien extraits et « mis de côté » pour examen avant décision. Selon lui ils auraient été entreposés dans le port de Commerce, sans doute dans les 4 000 tonnes de débris variés incluant des vestiges archéologiques évidents et reconnus comme tels par l’expert de la DRAC nommé par le Procureur, mais aussi photographiés par les associations.
Ils étaient soit en calcaire taillé soit en béton romain moulé. Parfois du mortier à la chaux adhérait encore aux blocs. Malheureusement en mars 2022 , ce tas si précieux a été broyé pour servir de revêtement à la déviation en cours construction… Un acte incompréhensible et irréparable qu’aucune protestation n’a pu empêcher.
Comment expliquer que des vestiges de sanctuaire puissent se trouver sous l’eau ? L’endroit et la masse excluent qu’il s’agisse de ballast de navires antique car ils se trouvaient au-dessus du plancher de dragage du port.
L’analyse des archives donne la clé du mystère : en 1928 le besoin d’espace pour créer le port de Commerce a conduit à araser l’île, laquelle se trouvait encore être la forteresse édifiée par Vauban avec sa Tour de l’Horloge qui sera déplacée au sud. On voit sur certaines photographies des empilements de grands blocs blancs de 800 kilos environ conformes à ceux décrits plus haut.
Cette découverte des restes de vestiges sous la construction de Vauban a sans doute « embarrassé » le chef de chantier qui pourrait bien avoir poussé les blocs au pied du quai… Recouverts de sédiments ces « rochers » ont pu réellement gêner les cargos modernes de la Compagnie Fruitière. L’identification de l’île en 2018 nous a conduit à alerter la Première Ministre Elisabeth Borne, sur l’exigence de procéder à des fouilles préventives. Sans résultat.
On comprend que cette situation est embarrassante. Mais la solution est-elle de tout réouvrir de béton dans la précipitation ? Faudra-t-il aussi suivre le Département et CEREMA – organe gouvernemental – qui dans leur projet rendu public le 22 août proposent de transformer le port en carrière pour « valoriser » 80 000 tonnes de sédiments (remarquables selon CEREMA) pour recouvrir les routes du Département.
Ces projets ubuesques ne vont-ils pas provoquer, la fois de trop, une grande colère de Vénus ?
Jean-Claude Bisconte de Saint-Julien, professeur des Universités et président de l’association Port-Vendres et Portvendrais