Yann Moix, Prix Renaudot 2013 pour “Naissance”

Saison littéraire du CML

Yann Moix, Prix Renaudot 2013 pour “Naissance”, sera le 18 décembre à Perpignan 
Le CML (Centre Méditerranéen de Littérature) finit son l’année littéraire 2013, débutée le 4 janvier dernier, avec la venue de Bernard Pivot, par l’accueil cette fois-ci de Yann Proix, prix Renaudot le 18 décembre à 18h à l’hôtel Pams.

Yann Moix est un écrivain et réalisateur français né le 31 mars 1968 à Nevers. Il a obtenu le prix Goncourt du premier roman pour Jubilations vers le ciel en 1996. Son premier long-métrage, Podium, adapté de son propre roman, a remporté un important succès commercial en 2004. Le prix Renaudot récompense cette année la folie personnelle de ect écrivain.

Les jurés ont sans doute également goûté sa culture littéraire et théologique : dans son roman Naissance, l’auteur se lance avec tumulte à la recherche d’une filiation pour donner un sens à sa venue au monde. Pour scruter le mystère de son origine, Yann Moix cherche ses pères parmi les écrivains classiques et se dessine un chemin entre le judaïsme et la figure du Christ. En nos temps de réflexion intense sur les divers modes de la parentalité, le prix Renaudot honore probablement, aussi, une réflexion d’actualité.

Les parents Moix détestent leur fils dès le premier jour. Le père est veule, brutal et injuste, la mère est « salope ». D’emblée, ces deux anti-héros refusent le garçon. Le père aurait préféré une fille, la mère prévoit de se venger à vie des souffrances que lui a causées l’accouchement. Mais pour aggraver les choses, voilà que l’on découvre sur le garçon une effrayante particularité anatomique : il est né sans prépuce.

Non seulement c’est un fils, mais en plus il est juif ! S’en suivent des passages plutôt comiques : les parents consultent un administrateur municipal, un abbé, puis finalement le grand rabbin d’Orléans (ville où se déroule le récit et où l’écrivain a, en effet, passé sa jeunesse) pour organiser à leur garçon une greffe de prépuce, censée résoudre l’affaire. L’abbé s’appelle Chacoupé, tous les autres personnages sont dotés également de très amusants patronymes. Sous couvert d’une pieuse tolérance, le prêtre refuse d’admettre la naissance d’un enfant juif de parents chrétiens. Le rabbin, lui, arrive en retard à son rendez-vous avec les parents, mais il se montre finalement conciliant et prêt à récupérer le prépuce d’un petit juif nouvellement circoncis. C’est compter sans les doutes d’un talmudiste, présent à la scène, qui préfère insister sur la signification de cette naissance surnaturelle. Que veut-elle dire ? Il rappelle aux parents l’importance d’une transmission en bon ordre, celle de la succession des générations, et leur responsabilité face à ce destin en devenir.

La haine filiale

Le père, lui, hait le fils. Il ne le déteste pas en raison de son judaïsme de naissance, mais en tant qu’archétype de l’enfant : « Je suis pour l’établissement d’une race adulte pure », annonce-t-il à la nounou.

Il ne considère jamais son garçon comme un sujet à qui transmettre ce qui compte à ses yeux, mais comme un risque pour son intégrité. Il aurait voulu une fille, dit-il : « Si vous me donnez un enfant, faites en sorte, je vous en conjure, que cela soit une fille ! Un fils, je ne pourrais le supporter. J’aurais trop peur, soit qu’il me ressemble et me vole la vedette, soit qu’il me dissemble et que je le prenne en grippe. » Aux yeux du père, le fils est un miroir. Afin de l’accepter, il lui eût fallu admettre l’ordre des choses, c’est-à-dire son propre chemin vers la mort. Or, lui et sa femme refusent le temps qui passe. Celui qui refuse l’agencement des générations condamne sa descendance au chaos et à la mort. Le narrateur de Naissance, privé d’origines par ses parents, condamné à la super-subjectivité, se révèle en permanence beaucoup trop « lui-même », toujours à vivre chaque instant sans être capable de le relativiser. C’est précisément cette émotion non contrôlée qui lui confère une sensibilité magique d’homme resté enfant.Tout au long du livre, le verbe est plein, fertile. L’un des personnages a tendance même à le rendre assourdissant : un certain Marc-Astolphe Oh, parrain improvisé qui apparaît dès les premières pages.

À peine aperçoit-il le bébé Moix dans les bras de sa mère, qu’il se prend d’amour pour le nourrisson. A tout bout de champ il exprime uniquement par périphrases. Le narrateur doit reconnaître à différentes reprises qu’il « pense et parle comme » son tuteur, dont l’unique ouvrage publié, de manière cruciale, s’avère un traité technique sur la photocopie dans la collection « Que sais-je ? ». Le livre lui est peut-être un hommage. Mais Naissance s’achève justement sur la mort du parrain. Marc-Astolphe Oh, en un dernier long poème, grandiloquent, étourdissant, déclame un adieu au monde avant de se suicider. Alors prend fin son épuisante accumulation de mots. Enfin, vient le silence. Yann Moix, l’écrivain, le juif de littérature, adorateur de la parole, est né.

– Rencontre avec l’auteur 18 décembre, 18h Hôtel Pams (Entrée libre), dédicaces sur place avec la Librairie Torcatis. Yann Moix, Naissance, Grasset, 1152 p., 26 €.

– CML infos : 04 68 51 10 10  www.prixmediterranee-cml.com