Hier à la pause apéritive de la mi-journée, René Didelot avait convié une douzaine d’amis, de connaissances, autour de deux-trois tonneaux, dans son mas, plus précisément dans sa cave à vin particulière, un lieu sculpté dans une sorte d’étable qui rendrait fou de jalousie le restaurateur le plus et le mieux étoilé du pays catalan. Pas à cause de la quantité des références que cet endroit renferme, mais plutôt grâce à la qualité et à la rareté des millésimes qui peuplent cette vinothèque d’exception, où bordeaux et bourgogne essentiellement, version “grands crus classés” se taillent la part de l’oenologue, rivalisent d’adresses ancestrales, de prestigieuses étiquettes, d’années historiques et de sagas familiales

 

 

 

 

A 80 ans insoupçonnés, René Didelot ferait presque figure d’adolescent au regard de son année de naissance tant, dans son royaume viticole, il est entouré de bouteilles qui cumulent plusieurs décennies, souvent ancrées dans l’autre siècle.

Cet ancien professionnel dans le secteur de la boucherie, opérateur en tranformation des viandes, qui a rayonné dans les halles les plus célèbres au monde, toujours animé par  la même passion, l’amour du beau et de l’exceptionnel, s’est “retiré” à la fin des années 70, sur la côte vermeille, dans une vaste demeure cramponnée sur les contreforts qui relient le village d’Argelès-sur-Mer à celui de Collioure, à l’abri des regards et surtout de la surpopulation estivale de la station balnéaire. Un lieu au calme absolu tout en étant proche de tout et de tous.

Rapidement, sa convivialité, sa joie de vivre communicative, son anticonformisme légendaire, son sens épicurien des contacts humains, lui ont permis de dénicher les bons endroits et, à l’heure d’une retraite bien méritée – tout en gardant sa casquette de biznessman -, de faire de passionnantes rencontres avec des gens du cru, collioure & banyuls, logique !

Il y a chez lui, dans le personnage, un esprit libre qui n’aurait pas déplu à Michel Audiard pour alimenter un dialogue, une réplique, un morceau d’anthologie. Il a en mains les cartes pour construire de grands moments d’amicales complicités, pour retrouver un peu de légèreté, le temps d’une fabuleuse dégustation. Il l’a d’ailleurs encore une fois démontré, hier à l’heure du déjeuner – “sur le pouce”, ici en l’occurrence sur des fûts ! – en ouvrant sa cave à vin à une douzaine de proches. Jiji avait apporté la charcuterie ibérique et le fromage, Cathy ses bougies anniversaire, Dany son enthousiasme, Zora et Mouloud le dessert, etc.-etc.

Dans son antre, il a collectionné, chouchouté, cajolé, jusqu’à 15 000 bouteilles. Vous avez bien lu : 15 000 ! Aux côtés de la bouteille classique (contenance de 75 cl), on croise des magnums (1,5 L), des jéroboams (3 L), des mathusalems (6L ou huit bouteilles de 75 cl). Une véritable caverne d’Ali Baba ruisselante de grands crus, murée de Fronsac, de Pommard, Haut-Brion, Haut-Médoc, Saint-Emilion, Cahors… Le rouge est servi. Un labyrinthe qui occupe tout le bas de sa maison. Un sanctuaire ! Où il fait bon se réfugier en été ! Une parenthèse hors du temps, dans laquelle il pourrait installer plusieurs chambres d’hôtes, y établir un lieu de brainstorming, “à la fraîche”.

 

L.M.