Jean-Luc Modat, auteur de “Ma cuisine catalane”, “La cuisine catalane” (sous-titré “Cahier de recettes de nos jeunes années”).

 

Ce matin là, c’était un jeudi, Jean-Luc Modat, 66 ans, nous avait concocté en guise d’esmorzar une cargolade aux pieds de porc, servie dans le cadre théâtral du bar “Can Fafa”, à Palau-del-Vidre. Un personnage authentique, haut en couleur, une cuisine-art-de-vivre, un lieu où souffle en permanence l’esprit d’accueil : tous les ingredients étaient réunis pour faire mijoter “al dente” le symbolisme, le romantisme, l’insolite… et le fantastique ! Un coin de terre libre

 

Dans la salle à manger spectaculaire du bar “Can Fafa”, à Palau-del-Vidre.

 

Jean-Luc Modat, c’est un mélange d’écrivain, d’épicurien, d’influenceur et de lanceur d’alerte, enraciné familialement et passionnément dans la plupart des territoires auréolés par le soleil du Roussillon, avec pour unique étoile la cuisine catalane.

Il écrit des livres pour “transmettre nos belles recettes”, insiste-t-il… Il évoque au fil des pages des “souvenirs enfuis de nos jeunes années que nous partageons, tout aussi semblables que différents. Ainsi, réaliser ces bonnes recettes populaires catalanes c’est effectuer un grand saut dans le passé de notre enfance, rassurer notre présent et transmettre pour mener les pas de nos enfants vers l’avenir…”.

Chacun(e) l’aura compris : ses recettes, côté Mer ou côté Terre, sont accompagnées d’anecdotes, saupoudrées de saveurs qu’il est allé rechercher, piocher, méticuleusement – et miraculeusement, on peut le dire aussi ainsi, ici – aux fins fonds d’un héritage familial mémoriel.

De la “bullinada d’anguilles d’en Josep i Felip” jusqu’au “fricot de veau de l’oncle Andreu”, en passant par le “poulpe à la catalane de Carola” et le “civet de sanglier de Thuir”, Jean-Luc Modat nous révèle de véritables petits secrets culinaires au travers de grandes recettes.

Pour en arriver là, il assume cette “référence résidence familiale” pour servir la “mémoire collective”. Et, désormais, ils sont des milliers de “lecteurs-cuisiniers” à le suivre, à l’attendre, à le plébisciter.

Derrière tout ça, il ne s’en cache pas, “il y a le souci de préserver notre identité, l’âme de nos villages”, martelle-t-il à qui veut bien l’entendre, l’écouter, le comprendre : “mettre en valeur et en scène les produits de nos terroirs, contre la standardisation alimentaire issue de la Mondialisation. Modestement, j’essaye de défendre notre ruralité, en mettant en exergue la nécessité d’une économie circulaire, d’une agriculture de proximité. Ainsi, tout le monde est gagnant, l’éleveur, le producteur de fruits & légumes, le maraîcher, le viticulteur, le fromager… jusqu’au boulanger-pâtissier, le boucher-charcutier. Sincèrement, il y avait une  urgence à rétablir la culture culinaire catalane, car tout partait à vau-l’eau ; l’urgence de sauver tout ça et de le faire partager. C’est la raison pour laquelle je me suis mis à écrire des livres sur “ma” cuisine catalane “. Un certain art de vivre en Pays catalan transpire de cette démarche, qu’il revendique évidemment haut et fort.

“Secouer !… pas le cocotier mais l’abricotier !”, déclame-t-il, pour, en quelque sorte, synthétiser sa passion.

 

Jean-Luc Modat et Fafa en terrasse du “Can Fafa”, à Palau-del-Vidre.

 

“J’ai toujours cuisiné. Mes grands parents, entre pêcheur du Barcarès et vigneron dans les Aspres, m’ont élevé dans leur cuisine”. J’étais dans les jupons de ma grand’mère quand elle confectionnait ses plats. J’ai toujours cuisiné ; marié trois fois, elles n’ont jamais mis les pieds dans les cuisines”, plaisantde-t-il.

Demandez-lui, au pied levé, de vous cuisiner un “trinxat d’épinards et de patates”, exactement comme cela se faisait dans la cuisine paysane d’antan, élaboré dans le Haut-Conflent et le Capcir… et il sera le plus heureux des hommes de ce monde pour se mettre à table, tout en vous citant en guise de sauce catalane quelques vers d’un poème de Joan Cayrol, ce pour mieux installer les petits plats dans les grands.

Toute cette cuisine est naturellement à mijoter et à savourer chez soi, car trop longue à réaliser pour un restaurateur qui croûle malheureusement sous le poids et la complexité des normes, sanitaires et/ou autres. C’est ce qui fait que ces précieuses recettes sont (presque) introuvables sur la carte des restaurants.

Mais Jean-Luc Modat ne désespère pas d’un retour culinaire vers les jours heureux. “C’est de patrimoine dont on parle là !”, s’enthousiasme-t-il, une fois de plus. Pour cet ancien joueur de rugby, à l’USAP, à La Voulte et à Thuir (en 1re Division s’il vous plait), il n’en démord pas : “Le rugby et la cuisine ont un point commun, le partage ! C’est à la fin du match, à la 3e mi-temps, qu’on partageait le repas”. Et ce n’est pas Fafa (Philippe Farriol), attablé à ses côtés pour communier autour de ce plat de cargolade aux pieds de porc d’exception qui le démentira.

Et Jean-Luc Modat de conclure ainsi cet esmorzar, cet instant magique : “Partager un plat, cela va au-delà de la cuisine, c’est appartenir à un groupe, à une population, c’est une notion de solidarité, c’est partager la joie de vivre tout simplement. Les gens sont souvent aujourd’hui en mal de repères, de valeurs, du sens des valeurs plus précisément ; se restaurer entre amis autour d’un bon petit plat peut être un grand moment de convivialité”.

 

L.M.