Dans la perspective d’une éventuelle condamnation du maire de Béziers, Robert Ménard (soutenu par le FN), épinglé par les médias, dans “l’affaire des statistiques d’élèves musulmans” dans la sous-préfecture de l’Hérault, les trois auteurs du livre “Perpignan, une ville avant le Front national ?”, paru en décembre 2014 aux éditions Jean-Jaurès Fondation, pourraient avoir du souci à se faire.

En effet, les trois auteurs – Jérôme Fourquet, Directeur du département “Opinion et stratégies d’entreprise” de l’institut de sondage IFOP, Nicolas Lebourg, le Perpignanais de l’étape qui se définit comme “spécialiste des extrêmes droites”, membre de l’Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et chercheur de l’Université de Perpignan Via Dominitia (UPVD), et Sylvain Manternach, géographe-cartographe, formé à l’Institut français de géopolitique – utilisent abondamment la statistique ethnique pour étayer leurs dires et justifier leurs analyses.

C’est ainsi que nombre de superpositions analytiques s’appuient sur, par exemple, “le rapport de force au second tour des élections municipales de mars 2014 en fonction de la proportion de prénoms arabo-musulmans par bureau”.

C’est ainsi libellé noir sur blanc.

Bref, ce que l’on reproche aujourd’hui au grand jour et à longueur d’antennes et de colonnes dans les journaux au maire de Béziers, a pourtant servi de fil conducteur, à un livre de 130 pages, financé par une fondation de gauche…

Pourtant encore, à la sortie de cet ouvrage, personne ne s’en est ému :  bien au contraire les rédactions locales, en presse écrite comme sur le net, ont assuré la promotion du livre, s’en s’inquiéter outre mesure de l’existence possible d’un “fichage” des communautés perpignanaises gitanes et maghrébines.

Certes, à propos de la méthode utilisée, et en guise d’avertissement, les auteurs préviennent “La commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a produit un rapport très critique envers les enquêtes établissant des statistiques ethniques, tout en reconnaissant leur utilité pour comprendre la situation sociale. Ses recommandations visaient à éviter qu’elles ne soient un instrument producteur de discriminations. Cette précaution est aussi la nôtre. Notre enquête s’inscrit dans une démarche de sciences sociales visant à mettre à jour les mécanismes structurels qui sous-tendent la réalité sociale…” (pages 19 & 20).

A la lecture de leur livre, il est possible d’imaginer que Jérôme Fourquet, Nicolas Lebourg et Sylvain Manternach sont peut-être – c’est en tout cas ainsi que certains le regrettent – sortis de ce cadre en allant chercher les prénoms arabo-musulmans dans chacun des bureaux de vote perpignanais avec une précision pour le moins… extrême, pour paradoxalement expliquer le vote local de l’extrême droite : “Quand la proportion de prénoms arabo-musulmans est majoritaire comme dans le bureau n° 67 (54,4%), comptant les importantes cités HLM Clodion et Emile Roudayre dans son périmètre, le vote FN décroche…” (pages 42-43-44-45).

Les auteurs pourront toujours se défendre en soulignant, ce qui est vrai, que leur enquête rédactionnelle approfondie s’appuie sur toutes les communautés – espagnole, pied-noire, etc.-etc., qui composent la société perpignanaise, mais il n’empêche que l’utilisation de certaines sources référencées dans le livre s’apparente à des données recueillies relevant d’un fichage ethnique.

A suivre.