Retraites : réponses à des questions…

(Par Claude Barate, universitaire, ancien député)

 

A la suite de ma tribune libre « Retraites, la démagogie est la forme la plus corrompue de la démocratie- Aristote », parue sur le site ouillade.eu du 17 janvier, j’ai été questionné sur plusieurs points qui m’amènent à ces précisions :

 

-1) Sur la perte du pouvoir d’achat conséquence du passage de 65 à 60 ans de l’âge de départ à la retraite, réforme Mitterrand de 1983.
Les conséquences de la réforme sont faciles à comprendre dans un système de répartition où les actifs paient pour les retraités. La démonstration est mathématique : un homme rentre dans la vie active à 20 ans et meurt à 80 ans.
Si l’âge de la retraite est à 65 ans, il va travailler pendant trois tranches d’activité de quinze ans chacune, de 20 à 35 ans, puis de 35 ans à 50 ans, enfin de 50 à 65 ans pour une période de retraite de quinze ans également de 65 ans jusqu’à son décès à 80 ans. Dans cette hypothèse il y a trois périodes d’activité de quinze ans, pour une période de retraite de quinze ans, soit trois cotisants pour un bénéficiaire.
Lorsque l’âge de la retraite est descendue à 60 ans, il y a deux périodes d’activité de vingt ans (20-40 et 40-60) pour une période de retraite de vingt ans (60 à 80). Soit deux cotisants pour 1 bénéficiaire.
La réforme a supprimé 1 cotisant sur trois. Elle a fait porter sur les deux autres cotisants, une charge supplémentaire qui s’est traduit par une diminution de pouvoir d’achat pour les deux cotisants restants. Cette analyse n’est pas politique ou philosophique, elle est mathématique et irréfutable.

 

-2) Sur l’idée avancée suivant laquelle les entreprises peuvent contribuer davantage au régime de retraites.
On peut toujours demander aux entreprises de contribuer davantage, mais alors il ne faut pas s’étonner que leur prix de revient augmente et que nos concitoyens achètent des produits étrangers moins chers, avec les conséquences en terme d’emplois. Par ailleurs force est de constater que les taux de prélèvements en France sont parmi les plus élevés au monde, avec des résultats médiocres. Faut-il aggraver la situation ?

 

-3) Sur le problème de la pénibilité de certains emplois.
Il est vrai que certains emplois sont plus pénibles que d’autres, et j’ai déjà indiqué qu’un professeur d’université peut continuer à travailler plus longtemps qu’un mineur. Mais il faut aussi relever que beaucoup d’emplois durs au départ ont bénéficié des aides mécaniques ou robotisées, et que, à titre d’exemple, le conducteur d’un train d’aujourd’hui, n’a rien à voir avec celui qui devait alimenter la locomotive en charbon au début du siècle dernier. Ceci dit, il reste que certains métiers sont plus difficiles que d’autres et que le dialogue social doit permettre de les identifier et de dégager pour eux un sortie plus rapide du monde du travail, voire des reconversions plus tôt lorsque cela est possible.

 

-4) Sur le problème de l’amélioration de certaines dispositions.
Je pense notamment aux petites retraites. Il est évident qu’elles doivent pouvoir être améliorées, dans le cadre du débat parlementaire ; il sert aussi à cela !

 

-5) Sur les affirmations d’injustices sociales.
Il faut effectivement être très attentif à tout ce qui peut être ressenti comme une injustice sociale. Mais je constate que ceux qui utilisent le plus, l’argument d’injustice sociale, sont ceux qui ne veulent pas remettre en en cause le statut retraite des régimes spéciaux, qui est pourtant le plus injustement avantageux par rapport au régime général… Alors s’ils pouvaient arrêter de donner des leçons de morale, le débat nécessaire y gagnerait en dignité.

 

-6) Sur le problème du pouvoir d’achat.
Il est certain que les salaires sont trop bas en France, d’autant plus en période de poussée de l’inflation et qu’il faut les augmenter. Mais qui peut croire que c’est en travaillant moins qu’on peut y arriver !
Certes Mme Rousseau nous a fait sourire en liant la virilité à la préparation du barbecue, c’était plus inquiétant lorsqu’elle nous a fait part de son désir de droit à la paresse dont on imagine qu’il doit être payé par ceux qui travaillent. Mais cela devient incompréhensible lorsqu’elle nous explique qu’il faut augmenter les salaires en baissant à 32 heures par semaine la durée du travail… Ces propositions sont dans la lignée de celles qui ont conduit les socialistes et Emmanuel Macron à supprimer des centrales nucléaires, idée dont on voit aujourd’hui les conséquences.
En tout cas, il ne me parait pas raisonnable de laisser croire aux Français qu’on peut gagner plus en travaillant moins. Les Français ont besoin de vérité !

Claude Barate