(Vu sur la Toile)

 

Comment l’examen du budget 2026 tourne au chemin de croix pour le PS
(Article de Romain Herreros • Rédaction Le Huffington Post)

Le Huffington Post.- L’objectif est ambitieux, et le chemin pour l’atteindre semé d’embûches. En décidant de ne pas censurer d’emblée Sébastien Lecornu pour permettre à la France de se doter d’un budget dans les temps, le Parti socialiste savait que l’épreuve serait rude, entre les habituels procès en trahison instruits par la France insoumise et l’incompatibilité de ses orientations budgétaires avec celles de l’alliance entre le bloc central et Les Républicains.

Certes le parti dirigé par Olivier Faure garde encore la cartouche de la censure dans son barillet. Il n’a d’ailleurs pas hésité à menacer l’exécutif en ouverture des débats, en expliquant que le gouvernement de Sébastien Lecornu n’avait pas d’autre choix que de consentir à des gestes significatifs sur la justice fiscale s’il souhaitait éviter la chute. Las. Les gains à afficher en circonscription apparaissent soit moindres, soit entachés du soupçon de l’entourloupe.

Il en est ainsi avec la suspension de la réforme des retraites, présentée par les insoumis comme un simple « décalage ». Un diagnostic qui a été partagé par Emmanuel Macron, ce qui a relancé la bataille sémantique autour de cette concession faite par Sébastien Lecornu pour obtenir la non-censure du PS. Les défaites socialistes autour de la taxe Zucman et de sa version alternative ce vendredi 31 octobre entretiennent cette impression et ce, même si le Premier ministre a lâché sur le gel des minima sociaux et des pensions de retraite.

 

 

« Je ne comprends plus ce que fait le PS »

 

« Nous venons de récupérer en quelques minutes de l’ordre de cinq milliards », a immédiatement réagi Olivier Faure, pour contrer le récit d’un PS ressortant bredouille de la bataille budgétaire. Le vote de l’amendement du MoDem instaurant un « impôt sur la fortune improductive » a valu aux troupes PS une autre salve d’attaques : celle d’une alliance avec le RN, puisque le parti lepéniste défendait une mesure proche. « Les accusations d’alliance avec le RN de la part des macronistes et des insoumis qui parlent d’une même voix sont aussi malhonnêtes que ridicules », a rétorqué ce samedi 1er novembre Romain Eskenazi, député du Val-d’Oise et porte-parole du groupe socialiste à l’Assemblée nationale.

Dans la soirée, la députée Renaissance Prisca Thevenot est allée jusqu’à évoquer sur le réseau social X des tractations secrètes entre Marine Le Pen et Olivier Faure. Un « tweet mensonger » a immédiatement répliqué le patron du PS, sommant sa collègue macroniste à retirer sa publication. Reste que la stratégie des roses a aussi du mal à convaincre certains de ses partenaires avec lesquels les relations sont habituellement bien plus sereines qu’avec LFI. « Je ne comprends plus ce que fait le PS », a dénoncé Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écolo, sur franceinfo. « J’ai l’impression que, depuis la non-censure, ils cherchent des raisons, des objets symboliques sans forcément regarder le contenu », a-t-elle déploré.

 

Punching-ball

 

Auprès du HuffPost, une source parlementaire socialiste admet que le compte est « insatisfaisant » à ce stade. Mais pas de quoi remettre en question la position adoptée en interne. « Le débat parlementaire ne se résume pas à des extraits sur TikTok. On assume de se battre pour prendre ce qu’il y a à prendre. Le renoncement à l’année blanche sur les retraites ou les minima sociaux ce n’est pas rien. C’est la pression socialiste qui apporte ces résultats », fait valoir notre interlocuteur, soulignant que l’amendement du MoDem sur la fortune improductive (que présente régulièrement le bayrouiste Jean-Paul Matteï) permettrait de ramener deux milliards d’euros de recettes supplémentaires. Un gain non négligeable, mais qui attire au PS plus de critiques que de reconnaissance. Ce qui pose, encore, la question de la pertinence de cette stratégie.

Mais pour les socialistes, la tournure prise par le débat public en vaut la chandelle. « Ça fait deux mois que le pays est en boucle sur la taxe Zucman, et que les discussions médiatiques ne tournent plus autour des sorties extrémistes de Bruno Retailleau. On obtient des victoires culturelles, sur les retraites, sur le retour de l’ISF, même si la formule votée hier reste à retravailler », explique notre source, considérant que c’est « la place centrale » occupée par le PS depuis la non-censure qui transforme le parti d’Olivier Faure « en puching-ball » sur lequel tapent les autres forces politiques : « Ça provoque de la jalousie à gauche, parce que c’est nous qui mettons la justice fiscale au cœur débat, et ça énerve à droite parce que nos thèmes gagnent du terrain. »

Reste que la stratégie socialiste demeure risquée car, pour le moment, les résultats sont loin d’être à la hauteur des sacrifices consentis. Et qu’il faudra bien un jour sortir de l’ambiguïté sur ce qui vaut, ou non, la censure. « Pour l’instant, les socialistes semblent vouloir encore croire à un geste du Premier ministre. Mais à force de jouer avec la corde raide, ils risquent de tomber. S’ils n’obtiennent rien, ils devront bien se rendre compte qu’ils sont les dindons de la farce et finiront peut-être par voter la censure », observe dans La Dépêche le politologue Roland Cayrol, qui juge que, pour l’instant, les socialistes « se sont fait rouler dans la farine ». Ils ont jusqu’à la fin des discussions budgétaires pour prouver le contraire.

(Source : Le Huffington Post)