(Vu sur la Toile)

 

Le Congrès américain semble plus déterminé que jamais à bannir TikTok
(Article de 20 Minutes avec AFP)

 

Le patron de TikTok, Shou Zi Chew, a assuré que l’appli de partage de vidéos ne partageait pas ses données avec le gouvernement chinois, mais les élus américains ont campé sur leurs positions

 

Rédaction de 20 Minutes (avec AFP).- Rarement on aura vu des élus républicains et démocrates aussi unis sur un dossier. Shou Chew, le patron de TikTok, filiale du groupe chinois ByteDance, a tenté difficilement jeudi de défendre son application, face à des élus américains intraitables, qui avaient pour la plupart condamné d’avance la plateforme menacée d’interdiction totale aux Etats-Unis.

« J’imagine que vous allez dire tout ce que vous pouvez aujourd’hui pour éviter ce résultat », a déclaré d’emblée Cathy McMorris Rodgers, la présidente de la puissante commission parlementaire de l’Energie et du Commerce, qui a convoqué le dirigeant pour une audition. « On ne vous croit pas », a-t-elle assené. « ByteDance est redevable au Parti communiste chinois et ByteDance et TikTok, c’est la même chose ». Jusqu’à présent, les administrations de Trump ou de Biden n’ont jamais apporté de preuve étayant leurs accusations de menace sur la sécurité nationale.

 

Cinq heures d’audition

 

Le dirigeant singapourien, diplômé de Harvard, a subi un interrogatoire particulièrement pugnace de la part des représentants qui ont présenté, exceptionnellement, un front uni. « Monsieur Chew, bienvenu à la commission la plus transpartisane du Congrès. Nous ne sommes pas toujours d’accord sur la méthode, mais nous voulons tous protéger notre sécurité nationale, notre économie et surtout nos enfants », a souligné le républicain Buddy Carter. Le texan républicain Randy Weber, a, lui accusé TikTok « d’endoctriner » les enfants avec « des contenus woke et pro-parti communiste chinois »

Pendant plus de cinq heures, les élus n’ont quasiment pas laissé parler l’ancien banquier. Selon eux, le Parti communiste chinois se sert de TikTok à des fins d’espionnage et de manipulation. La Maison Blanche, la Commission européenne, les gouvernements canadien et britannique et d’autres organisations ont récemment interdit à leurs fonctionnaires de l’utiliser.

Shou Chew a promis que d’ici la fin de l’année, toutes les informations liées aux cent cinquante millions d’utilisateurs américains seraient gérées uniquement depuis des serveurs du groupe texan Oracle, situés aux Etats-Unis. Mais il a dû reconnaître que la plateforme a encore d’anciennes données accessibles par des employés chinois.

 

Pékin opposé à une vente forcée

 

« Le gouvernement chinois ne possède pas et ne contrôle pas ByteDance. C’est une entreprise privée », a-t-il cependant insisté. La représentante Anna Eshoo a qualifié ses arguments de « grotesques ». « Je ne crois pas qu’il existe réellement un secteur privé en Chine », a-t-elle dit, évoquant la loi chinoise qui impose aux entreprises du pays de partager leurs données si Pékin leur demande.

« Je crois quand même que le gouvernement communiste de Pékin aura toujours le contrôle, et la capacité d’influencer ce que vous faites », a de son côté martelé l’élu démocrate Frank Pallone.

Plusieurs projets de loi, soutenus à droite et à gauche, sont dans les tuyaux pour interdire TikTok. La Maison Blanche a laissé entendre que si TikTok restait dans le giron de ByteDance, elle serait interdite. Avant l’audition, le ministre chinois du Commerce a fait savoir qu’il s’opposerait « fermement » à une vente forcée, soulignant que toute cession de TikTok nécessiterait l’approbation de Pékin.

 

TikTok « détruit des vies »

 

Le patron a aussi affronté de nombreuses questions sur les responsabilités de TikTok concernant la santé mentale et physique des plus jeunes, des risques d’addiction aux dangereux défis que se lancent les utilisateurs.

« Votre entreprise a détruit leurs vies », a déclaré Gus Bilirakis, en désignant les parents d’un adolescent mort, venus assister à l’audition. Ils ont porté plainte contre la plateforme, qu’ils accusent d’avoir montré des milliers de vidéos non sollicitées sur le suicide à leur fils. « Votre technologie entraîne littéralement des décès », a lancé le représentant.

 

Cent cinquante millions d’utilisateurs aux Etats-Unis

 

« Le sort de TikTok aux Etats-Unis est plus incertain que jamais après cet interrogatoire exténuant de Shou Chew », a réagi l’analyste Jasmine Enberg d’Insider Intelligence. « Il n’y a pas grand chose qu’il aurait pu dire pour convaincre les législateurs que TikTok n’est pas contrôlé ou influencé, directement ou indirectement, par le Parti communiste chinois ».

L’application et plusieurs associations estiment qu’une interdiction complète – comme en Inde depuis 2020 – relèverait de la censure. « Interdire TikTok saperait profondément la crédibilité des Etats-Unis en tant que défenseur de la liberté en ligne », ont affirmé seize ONG dans une lettre adressée au Congrès mercredi.

« Pourquoi autant d’hystérie autour de TikTok ? », a demandé mercredi soir le représentant démocrate Jamaal Bowman, lors d’une conférence de presse avec des créateurs de contenus venus défendre leur réseau préféré.

La plateforme présente les mêmes risques pour la confidentialité des données, la santé des utilisateurs ou la désinformation que « Facebook, Instagram, YouTube et Twitter », a fait valoir l’élu, appelant à une « conversation honnête sur tous les réseaux sociaux ».

Interdire TikTok relèverait du casse-tête pour l’administration Biden. L’application compte cent cinquante millions d’utilisateurs aux Etats-Unis, dont près de la moitié de moins de 30 ans, une base qui penche traditionnellement du côté démocrate. Selon un sondage récent de Quinnipiac, 49 % des Américains sont favorables à une interdiction, et 42 % opposés. Des chiffres qui dépendent beaucoup de l’affiliation politique : 64 % des républicains soutiennent une interdiction alors que 51 % des démocrates sont contre. (20 minutes avec l’AFP)