Jacques Martinez ne vit pas ici. Mais je peux vous l’affirmer : il est bien de chez nous !

Jacques Martinez, 69 ans, peintre, sculpteur… et écrivain.

Pour s’en convaincre, il suffit de connaître ses amis, nombreux, très nombreux, solidement ancrés sous le ciel des Pyrénées-Orientales : à Rivesaltes bien sûr (le choix de cette commune pour y dédicacer son premier livre n’est pas anodin, puisqu’il y a possédé un temps une maison), mais aussi à : Cases-de-Pène, Torreilles, Perpignan, Collioure, Argelès-sur-Mer, Céret, Paulilles…

Il ne s’agit pas de relations amicales, comme on dit pour expédier un “bonjour !, comment ça va ?”, mais il s’agit bien ici d’Amis, tels qu’on les éprouve aux petites occasions et les emploie aux grandes…

Ce jeudi 6 juin 2013, à partir de 19h, chez l’ami Pierre-Henri de la Fabrègue, au Domaine de Rombeau, sera justement l’occasion de retrouver un artiste d’exception et un grand ami du Roussillon, en la personne de Jacques Martinez.

Grand par les sentiments certes, mais également grand parce que doté d’un physique de colosse qui lui sied à merveille, tant il sait le mettre en mouvement tel un cadran solaire : normalement, logiquement, sans excès ni revendication.

Outre sa présence, qui est toujours un soleil quelque part là où il se déplace – ses apparitions pour le lancement du Vin de l’été au Château de Jau, ou en terrasse du Clos de Paulilles à Port-Vendres plage (…) ont forcément contribué à la légende des lieux – l’autre bonne nouvelle c’est la présentation à Rivesaltes de son livre, “Espagnol de merde” (ou la véritable et longue histoire des Cinq Saisons), paru à l’automne 2012, aux éditions Grasset.

Avec ce livre, Jacques Martinez nous entraîne dans ses souvenirs, qu’ils soient professionnels ou qu’ils soient plus intimes. Au fond de chaque page, comme pliés et soigneusement rangé dans un bagage, au détour d’une rencontre ou d’une conversation il nous livre ses histoires : des épisodes, des récits, un passé, des tranches de vie que l’on croque comme un cake de chez Dalloyau, tellement c’est bon, tellement l’artiste a mis en lignes des envies.

Pourtant, à y regarder de plus près, il n’y a rien d’extraordinaire. Il nous parle de terre, de pays, de racines, d’horizons… Il nous emmène comme le chantait France Gall aux années disco “là où les nuages tristes vont s’amuser, où les étoiles retrouvent la lune en secret (…)”, mais rien de caustique, ni de caricatural, ni de trash, ni de cruel, ni d’injurieux… Pas de bouc émissaire au bout de la bille du stylo. Et ce n’est pas pour autant ennuyeux ! Loin s’en faut.

De Bordeaux à Venise, en passant par Barcelone et Nice, par Paris et Lucerne, entre autres destinations, Jacques Martinez nous promène dans sa mémoire transformée en gigantesque atelier-pluriel (d’où les Cinq Saisons). Sans oublier Collioure : “Les nuits de janvier à Collioure, tard dans la nuit, quand Jojo Pous a tiré ses rideaux, quand les étoiles enfin ressemblent à des souvenirs, on voit souvent des femmes sortir de l’église des bougies à la main et courir lentement du côté de la plage. Elles ont les cheveux et le poil tout rouge, de larges lèvres vertes et des regards aux couleurs de soleil, tout encerclés de brun. Elles dansent lentement, les jambes fines enlacées dans les satins fragiles des bigatanes, aux seules couleurs d’ici, et le sang des grenats et l’or des retables. Elles avancent en dansant, dans des pas menus, des mesures mesurées, toutes accordées aux cordes de Jordi Savall qui vient, certains soirs, pour elles seules, inventer des sardanes. Les nuits de janvier à Collioure, juste à la fin du noir, les femmes dansent longtemps dans ces rondes d’ici, se tenant par la main avec les bras levés. Elles ont la poitrine nue, mais de larges jupes longues aux rayures violettes, rose pâle, kaki, amarante (…)”. Page 114 du livre “Espagnol de merde”.

En aucun moment Jacques Martinez n’enfile les bottes du grand voyageur littéraire agaçant ; genre donneur de leçons pour itinéraires à suivre… Et c’est tant mieux ainsi. On se régale. On se sent bien dans cet ouvrage, où l’artiste pose et porte son regard comme d’autres lèveraient un verre de mas cristine en guise d’ode à une certaine joie de vivre. Ici, pas de crise de régime (institutionnel et/ ou physique), mais la diversité de la vie qui s’exprime au travers d’un personnage attachant, tantôt rebelle tantôt politiquement correct, mais n’enfumant jamais le lecteur avec des mots pour des maux.

En quittant ce livre, avant d’y revenir c’est sûr et certain, on a le sentiment d’avoir trouvé un autre visage à la vie. Ou plutôt de la vie. La tentation de l’exil, pour un monde meilleur ?, s’estompe, tant l’art de vivre offert par Jacques Martinez à travers sa géographie intérieure nous narre une recette simple et efficace de vivre sa passion au quotidien. C’est là une sorte de vaste rétrospective en hommage à ses souvenirs qui lui ont permis sans aucun doute d’être l’excellent créateur que l’on sait… sans pour autant vouloir changer la date du Shabbat, ou fêter Noël le 16 août sur la plage Saint-Vincent de Collioure.

 L.M.

– Pierre Henri de la Fabrègue et la Librairie Torcatis (10 rue Mailly à Perpignan), organisent ce jeudi 6 juin 2013, à 19h, au Domaine de Rombeau à Rivesaltes, une rencontre littéraire autour de la présentation du livre de Jacques Martinez, “Espagnol de merde” (ou la véritable et longue histoire des cinq saisons), animée par Jean-Pierre Mau, adjoint à la Culture de la Ville de Céret.