(Vu sur la Toile)

 

Procès pour deux avocats soupçonnés d’avoir usé de faux pour innocenter un narcotrafiquant
J.C. РR̩daction BFTMV)
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Mes Joseph Cohen-Sabban et Xavier Nogueras sont soupçonnés d’avoir utilisé un document pour faire innocenter leur client Robert Dawes, jugé en 2018 pour avoir importé 1,3 tonne de cocaïne en France. Document fourni par l’accusé !

 

BFMTV.- Deux figures des prétoires, les avocats Joseph Cohen-Sabban et Xavier Nogueras, comparaîtront devant le tribunal correctionnel de Paris, soupçonnés d’avoir produit des faux devant une cour d’assises fin 2018 pour innocenter, en vain, le narcotrafiquant Robert Dawes.

Dans une ordonnance datée de lundi, trois juges d’instruction parisiennes renvoient en procès ces deux avocats pour “complicité de tentative d’escroquerie au jugement” et pour “violation du secret professionnel”. Une décision qui ne va pas améliorer les relations déjà tumultueuses entre avocats et magistrats.

 

 

Faux document

 

L’affaire a débuté par le procès aux assises en décembre 2018 à Paris de Robert Dawes, accusé d’avoir importé 1,3 tonne de cocaïne en 2013 à bord d’un vol Air France reliant Caracas à Paris, une saisie d’un montant alors estimé à 50 millions d’euros. A l’ouverture des débats, ses avocats avaient produit une supposée ordonnance espagnole présentant comme illégale une écoute téléphonique capitale pour l’accusation, et amendant plusieurs transcriptions de conversations réellement existantes pour également disculper Dawes.

“Pourquoi ce n’est pas au dossier ?”, avait tonné Me Joseph Cohen-Sabban, alors que le document en question indiquait que la sonorisation dans laquelle Robert Dawes reconnaît que la drogue lui appartient aurait été réalisée sans l’accord du magistrat local.
Avec ses confrères Xavier Nogueras et Hugues Vigier, l’avocat avait pilonné la procédure et réclamé le renvoi du procès ainsi qu’un supplément d’information afin d’acter l’authenticité des documents. Sauf que ces arguments se sont retournés contre eux: en quelques jours, la cour a écarté ces documents et les a qualifiés de “faux”. Le trafiquant sera condamné à vingt-deux ans de réclusion criminelle, et une information judiciaire est ouverte en mars 2019 sur ces soupçons de faux.

 

“Renforcer le crédit” du document

 

Au terme de près de trois ans d’enquête, la juge d’instruction Aude Buresi, première saisie dans ce dossier, concède dans son ordonnance qu’“aucun élément du dossier ne permet d’établir avec certitude que l’un des quatre avocats” cités dans le dossier, “et notamment Xavier Nogueras ou Joseph Cohen-Sabban, savait que les documents présentés devant la cour d’assises étaient des faux.”

Mais elle estime que ces deux derniers ont “sciemment accepté de renoncer à l’indépendance indispensable à l’exercice de leur fonction en épousant les projets déloyaux et les stratagèmes employés par Robert Dawes”. Pour elle, il ne s’agit pas seulement de “manquements professionnels”, car les vérifications des deux avocats sur l’authenticité de ce qu’elle qualifie de “pièces miraculeuses (…) semble avoir eu pour finalité exclusive” d’en “renforcer le crédit” auprès de la cour d’assises de Paris.

Au sujet de Me Cohen-Sabban, “l’ensemble de l’information judiciaire démontre (sa) volonté de s’associer aux manÅ“uvres de son client”, écrit la juge.

 

“Grotesque”

 

“Comment peut-on dire qu’après quarante-cinq années d’exercice professionnel, plus de 1 000 affaires plaidées devant les cours d’Assises, j’ai attendu pour soudainement devenir le complice de faits que je réprouve totalement ? C’est tellement grotesque, et j’ai tellement de moyens de le démontrer que l’excès des affirmations de cette ordonnance me laisse de marbre”, a réagi Me Cohen-Sabban, spécialiste des affaires de grand banditisme .

“Nous maintenons qu’en aucun cas Me Xavier Nogueras n’a participé aux faits de complicité de tentative d’escroquerie au jugement et qu’il n’a violé aucune règle déontologique”, ont réagi ses avocats, Mes Matthieu Chirez et Hervé Temime.
Concernant Robert Dawes et son homme de main Evan Hughes, la juge d’instruction les renvoie en procès pour “tentative d’escroquerie au jugement” mais aussi pour “faux en écriture publique”, une qualification que le parquet de Paris n’avait pas retenue. Selon l’ordonnance, le narcotrafiquant a “imaginé les faux et les a fait réaliser” par Hughes, à l’aide de “tiers” qui ne font l’objet que de “présomptions solides”.

Contacté, l’avocat du premier Me Thomas Bidnic “réserve ses commentaires pour le tribunal”. Me Antoine Beauquier, avocat du second, n’a pas souhaité commenter. Trois autres avocats, parmi lesquels Me Hugues Vigier, ne feront pas l’objet de poursuites.

 

Une autre procédure à Nanterre

 

Définitivement condamné, Robert Dawes s’efforce depuis de dynamiter la procédure à l’origine des poursuites : il a obtenu la désignation en juillet d’un juge de Nanterre pour enquêter sur des soupçons de faux procès-verbaux lors de la fameuse saisie de cocaïne de septembre 2013 à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle.

Dans son viseur, l’ancien patron des “stups” François Thierry, dont les techniques d’enquête controversées, en particulier sa gestion des “indics”, lui ont valu plusieurs mises en examen.