Communiqué de Joseph Jourda

“Ce n’est pas vain de le dire. Pour ressentir vraiment cette ambiance particulière, il y a des lieux qu’il faut connaître et fréquenter. Des moments qu’il faut partager. Par exemple, il est indispensable de se lever un peu tôt, à l’heure où les boulangers ouvrent leurs portes pour vendre le pain encore tout chaud et d’aller boire son petit café au bar sur la place. Là, cette sensation toute drôle, d’être au centre de quelque chose, vous saisit au cÅ“ur, aux « tripes », comme un frisson irrésistible qui parcourt votre colonne vertébrale pour arriver dans votre tête qui vous fait dire : je suis d’ Estagel.

Croyez moi, cette sensation n’est pas virtuelle. En effet, ce moment privilégié, vous permet de connaître au plus profond, l’état d’esprit dans lequel se trouve une population. Si la vendange s’annonce bonne, se vend bien. Si les problèmes perdurent dans la viticulture, ou si une accalmie se dessine. Vous rencontrez le chauffeur de bus qui, tel le troubadour, colporte les bonnes et les mauvaises nouvelles. L’agent du cadastre, venant faire les relevés topographiques ou encore le marchand ambulant qui vient vendre ses légumes sur le marché. C’est aussi ces deux amis de longue date qui invariablement, tous les jours de l’année, se retrouvent et commentent le dernier match de l’USAP ou des Dragons. Mais le « top » dans un village vigneron, c’est d’apprendre grâce à un jeune agriculteur, comment et à quel moment dans les saisons, il faut planter ou semer les plantes, les fleurs. C’est aussi, participer de loin il est vrai, à la cueillette des olives et au fonctionnement du moulin.

Cette activité que nous avions oubliée, enfouie dans la mémoire, resurgit avec une telle force qu’elle ébranle les plus empreints à ne croire qu’à la vigne et au vin. Évidemment, c’est le journal qui passe de mains en mains, qui annonce la bonne ou mauvaise nouvelle. Pour l’un c’est l’horoscope, pour l’autre, c’est le carnet de deuil, la rubrique des villages ou les données plus nationales. La vie quoi ! Celle de tous les jours où l’on a vraiment la sensation de partager quelque chose avec les autres, tous les autres. Et puis bien sûr, François Arago, semblant veiller du haut de sa stèle, à ce que cette âme continue d’être partagée pour des siècles encore, par toute une population rassemblée autour des valeurs de tolérance, de générosité, de solidarité, rappelant ainsi qu’elles ne sont pas de vaines paroles distribuées sans discernement souvent, les veilles d’élections fussent-elles municipales.

Voilà Mesdames, Messieurs les candidats, connaissez vous vraiment votre village ? Vous qui êtes parti depuis si longtemps sans jamais vous retourner, êtes vous certain de savoir que les vignerons souffrent les mille maux ? Vous qui avez besoin d’un titre de directeur, oh combien éphémère, pour vous présenter devant les électeurs ? Heureusement cette association continue de vivre sans vous, avec des bénévoles. Les cimetières sont pleins de gens irremplaçables.

Vous encore, qui passez sur la place aux heures où il n’y a plus personne, de votre pas de coureur de demi fond, pour rejoindre les bureaux feutrés et votre fauteuil éjectable de maire, connaissez vous bien Estagel et son esprit de révolte ? Esprit jamais assouvi ! La connaissance des événements de 1851 et de la liste des 41, dont certains sont partis au bagne pour s’être levés contre le coup d’état de celui qui devait devenir Napoléon III, continue de faire vivre toute une symbolique. Mais peut- être, vous qui revenez après une courte absence, avec un regard tout neuf dans mon village au passé oh combien turbulent pour la cause humaine tout simplement, arriverez vous à en saisir la quintessence et perpétuer cette âme pleine de noblesse de cÅ“ur qui fait notre carte d’identité, notre fierté d’Estagelloises et d’ Estagellois. A bientôt donc, le soir de l’élection future, pour connaître le choix des électrices et électeurs. Toutefois, une chose est d’ores et déjà certaine. C’est la démocratie qui en sortira victorieuse car elle est une partie de notre âme que personne ne pourra nous enlever, à laquelle personne ne pourra jamais nous faire renoncer”.