Après le dévoilage de la plaque

 

Jeudi dernier, à 18h, elles et ils étaient nombreux à partager avec le maire d’Elne et son conseil municipal l’intense moment du baptême du CLAE (Centre de Loisirs Attaché à l’Ecole), du nom de Juliette Bès.

Nicolas Garcia, maire d’Elne, secrétaire départemental du PCF, et Juliette Bès, elle-même, ont dévoilé la plaque, il est très rare de pouvoir honorer les personnes méritantes de leur vivant.

Il aura fallu beaucoup d’insistance et de conviction pour que Juliette Bès accepte cet « honneur » et elle n’a donné son accord qu’après lui avoir expliqué qu’à travers elle, c’est à toutes les femmes résistantes et déportées que le conseil municipal voulait rendre hommage, et qu’il était important, symboliquement, qu’un lieu destiné à accueillir les enfants porte son nom.

En effet, c’est à peine sortie de l’adolescence que Juliette s’est engagée contre l’oppresseur nazi et collabo, constituant ainsi, pour les jeunes d’aujourd’hui, une criante exemplarité. Volontairement le premier magistrat de la commune d’Ene a choisi de ne pas prononcer de discours, afin de ne pas « voler la vedette » à Juliette Bès, l’illustre illibérienne, (ancienne résistante et déportée à Ravensbrück, auteure du livre autobiographique « La jeune fille qui a dit  non »). Juliette a pris la parole et avec cette humilité qui la caractérise, a déclaré «je n’ai rien fait d’exceptionnel, tant d’autres femmes, vivantes, survivantes des camps, ou emportées par cette folie meurtrière, méritaient tout autant, sinon plus, cette reconnaissance ».

Elle évoquait clairement, mais avec beaucoup de pudeur, les atroces conditions de « vie» ou plutôt de mort de ses compagnes, s’empêchant de les nommer toutes pour n’en oublier aucune. Pourtant elle finira par en citer trois, « filles des Pyrénées Orientales: Joséphine et Francine Sabaté, mortes à Ravensbrück, et Rose Blanc, native d’Elne, morte à 24 ans à Auschwitz ». En fin de discours, Juliette proposa aux enseignants d’inclure, dans leurs cours, l’idée que « parler de races, en parlant des êtres humains, était un non-sens. Car il n’y a « qu’une seule race parmi les hommes » et cette grande dame de poursuivre en récusant l’idée «qu’une catégorie d’êtres humains est supérieure à une autre ». Puis, s’adressant aux enfants présents, elle leur expliqua combien  « des actes simples peuvent rendre du courage à celui ou celle qui s’abandonne », racontant ce que furent dans les camps de la mort « les gamelles de la solidarité »… «Chacune donnait de sa maigre part, une cuillère de sa soupe, un petit morceau de son pain, et ce supplément collectif était attribué, en sus de leur ration, aux 3 ou 4 plus faibles du baraquement…permettant à certaines de survivre jusqu’à la libération ».

Et puis, il y avait les gestes d’affection, le regard d’amitié, la main saisie, le sourire, pour chasser cette sensation d’abandon, de solitude. Juliette rapportait ces attitudes éminemment humaines à la réalité d’aujourd’hui, et invitait les jeunes à ne pas laisser un camarade seul dans la cour, à faire, vers lui, pour lui, ces gestes simples qui font du bien dans la détresse.

Citant son âge (90 ans bientôt), elle disait ne rien regretter, et affirmant que « si c’était à refaire, nous referions ce chemin ». Trois vivats venaient clore son discours : vive la liberté, l’égalité et la fraternité, avant que Jean Pierre Castillo (membre de l’ANACR), lui offre le portrait qu’il avait fait d’elle, et que les associations lui remettent trois magnifiques bouquets de fleurs, sous une salve d’applaudissements. Ensemble, l’assistance entonnait « Le chant des marais », l’un des premiers chants de résistance aux nazis, composé, en 1934, par trois antifascistes allemands, interdit par le SS qui lui attribuaient un caractère subversif.

Ainsi une nouvelle fois la ville d’Elne, sous l’impulsion de l’équipe municipale en place, comme elle s’y était engagée auprès des associations d’anciens combattants de la résistance, donne aux rues et lieux publics d’Elne des noms liés à la résistance (André Tourné, Francine Sabaté, 27 mai 1943 (création du CNR), Résistance, Pierre Sémard…)

 

“Il faut croire au soleil quand tombe la pluie” Louis Aragon