*Par Christophe Euzet, président de l’association « Perpignan il est temps ! »
-“Au moment de l’élection municipale, début 2026, il faudra convaincre. En parant au plus pressé. Chacun dira son mot sur la sécurité, la propreté, l’attractivité de la ville et promettra de faire mieux dans le but de convaincre le plus grand nombre de voter en sa faveur. Ainsi va la démocratie locale : pour être élu, il faut donner des gages à très court terme. Si je suis un jour candidat, je ne dérogerai pas à la règle. Hélas
Essayons, malgré tout, d’intellectualiser un peu le débat : pourquoi est-il si important que Perpignan et sa communauté urbaine (tout le département en vérité) fassent des choix structurants le plus rapidement possible ? En quoi est-ce un enjeu pour la municipale de 2026 ?
On peut s’en réjouir ou le regretter, mais le monde dans lequel nous vivons est un monde interconnecté. Toute sa dynamique se concentre autour de mégalopoles (gigantesques, comme la région de Tokyo, de New-York, de Shangaï), de mégapoles (Paris, Londres, Barcelone…), puis de métropoles et de grandes villes (Toulouse, Marseille…), qui absorbent une grande part de l’activité économique et financière, mobilisent les énergies intellectuelles, aspirent la création culturelle et accueillent les institutions les plus prestigieuses. Perpignan (et sa communauté urbaine) est ce que l’on appelle une « ville moyenne », située entre Toulouse, Barcelone et Montpellier.
Regardons les choses en face : Montpellier est au centre d’un triangle (entre Barcelone, Toulouse et Lyon : même si Lyon est « naturellement » proche de Marseille, Barcelone jouit d’une dimension européenne et internationale qui fait défaut à la cité phocéenne). Montpellier est donc une métropole qui nous est objectivement concurrente ; de même que Narbonne, qui est le barycentre le plus pertinent de ce triangle en terme de positionnement géographique. Il en résulte que si Perpignan ne devient pas le lieu sur lequel se centrera à l’avenir le triangle en question, la ville connaîtra un déclin inexorable.
Nous devons impérativement devenir la base littorale de la vitalité toulousaine et une zone concentrique forte du dynamisme barcelonais. Cela n’a rien de déshonorant, bien au contraire. Il nous suffit de dessiner le pôle d’attraction que nous souhaitons être.
Mais cela ne peut devenir réalité qu’avec un raccordement (réel) aux lignes à grande vitesse (TGV, lignes régionales rapides) et qu’en optimisant les temps de trajet (A9 et A61). Cela suppose également une plateforme multimodale à l’aéroport (sa seule chance de survie à terme), connectée à la future LGV, ainsi qu’un système de train-tram desservant tout le département sur les lignes actuelles existantes (depuis l’aéroport : elles passent juste à côté). Une liaison tram vers la côte apparaît indispensable pour tirer le meilleur parti du caractère littoral de notre territoire (avec, à terme, une ligne littorale). Cela suggère également de développer des zones d’activités économiques ou technopoles attractives (desservies par les mêmes lignes) et de promouvoir une économie collaborative avec les métropoles en question (y compris au niveau universitaire, car une ville moyenne va connaître toutes les difficultés du monde à se maintenir dans les années qui viennent, pour les mêmes raisons, dans le domaine de la recherche notamment).
La fibre optique généralisée était une autre condition sine qua non : elle est désormais remplie, il faut s’en féliciter. Il conviendra au surplus d’aspirer un événementiel culturel commun en offrant un littoral qualitatif et un hub logistique régional à Toulouse et Barcelone (Autant que faire se pourra, il conviendra de capter le relationnel à construire entre Lyon et la capitale catalane). On ne peut pas sérieusement parier sur l’avenir sans relever le défi de la numérisation. Le télétravail des cadres des grandes villes qui aspirent à un mode de vie qualitatif doit être pour nous une obsession. Le fait d’être mieux desservis et d’être en mesure de mieux accueillir, de plus en plus hors-saison, suggère donc, bien sûr, de diversifier chaque jour davantage nos activités (en développant la liaison littoral- intérieur des terres) et de transformer radicalement nos modes de transports locaux (la voiture n’a aucun avenir dans la ville ; pas plus que la serviette posée sur le sable n’a d’avenir sur nos plages dans les décennies à venir).
De nombreuses villes de taille intermédiaire sont en train de franchir le pas sur tous ces domaines. Nous prenons du retard… Or, si nous ne pensons pas à la façon de construire notre identité de demain en la prenant à bras-le-corps, car nous avons beaucoup à apporter à nos grandes voisines, nous ne ferons que subir toutes les transformations du monde en nous condamnant à la paupérisation.
Bien sûr, tout cela ne peut se réaliser en un claquement de doigts. Ce sera long, laborieux et cher. C’est évident. Mais tout cela ne peut se réaliser dans le temps que si l’on y réfléchit avec conviction et qu’on le planifie sérieusement, pour l’avenir prospère de notre ville de coeur.
Faute de quoi, 2026 sera l’occasion d’un énième débat sur le nombre et la taille des poubelles, la rotation des enlèvements des ordures ménagères et sur la visibilité des forces de l’ordre pour accroître le sentiment de sécurité des citoyens dans la ville. Avec des promesses en l’air, en forme d’incantations divinatoires, d’un avenir meilleur pour nos commerçants…”?
Christophe Euzet
Contact : perpignanilesttemps@gmail.com