Camouflet pour le gouvernement, c’est certain. Volonté de faire tomber le gouvernement ou du moins de lui nuire assurément. Désaveux populaire c’est moins sûr ! Il aura fallu l’examen du projet de loi immigration pour fédérer les oppositions, toutes les oppositions. Pourtant les motifs de rejets sont multiples
A l’extrême gauche, le texte jugé “trop à droite” hérissait déjà les poils des députés NUPES et consorts. Si pour Jean-Luc Mélenchon, toujours mesuré dans ses propos, « l’arrogant Darmanin a braqué tout le monde, le début de la fin commence », Mathilde Panot (LFI), déclare « nous allons épargner au pays deux semaines de discours xénophobes et racistes ». Pour Marine Tondelier (EELV) « le gouvernement doit tirer toutes les conséquences ».
Autre son de cloche, à l’extrême droite, Marine Le Pen qui sourire assène les traditionnels appels à la démission de circonstance et dont elle a coutume, déclare « nous avons protégé le pays d’un appel d’air migratoire ».
Pour Eric Ciotti, patron des Républicains (LR) et véritable faiseur de rois ou plutôt de loi, son but a été atteint : débattre sur la base du texte adopté par le Sénat.
Bref, autant d’avis que de partis politiques pour ne pas dire de députés. Alors nous pouvons nous poser quelques questions :
En premier lieu, quelles seront les conséquences ? Pour le gouvernement une période de turbulence mais pas de crise en vue car bien que nettement minoritaire il ne perd ce vote que de cinq petites voix. On imagine mal Emmanuel Macron annonçant la dissolution de l’Assemblée Nationale, convoquant de nouvelles élections, d’où il n’est pas certain qu’une nouvelle majorité émerge.
Quel avenir pour cette loi ?
Le retrait pur et simple, et là c’est l’échet du Gouvernement et de la majorité (qui n’en ait pas une), le retour au Sénat en seconde lecture ou une commission mixte paritaire et là sur quelle base : le texte du gouvernement ou celui du Sénat, ou encore le retour du texte avec un 49-3 au risque de faire tomber le gouvernement et de provoquer de nouvelles élections ? Sur ce point le mystère reste entier.
Les LR ne semblent pas prêts à lâcher un mot, une virgule du texte adopté au Sénat et le gouvernement va devoir, s’il veut faire adopter son texte, faire un pas vers eux.
Si le texte adopté au Sénat devait être débattu à l’Assemblée Nationale, quelles en seraient les conséquences ?
Pour la Gauche, la droitisation du texte est une mauvaise nouvelle. Ils ont donc tout perdu. Peut être ici leur dernier baroud d’honneur en s’opposant stérilement à tout et en déposant myriade d’amendements qui n’ont que peu de chance d’être adoptés.
Pour le RN, une victoire médiatique à quelques mois des élections européennes, mais paradoxalement un refus de discuter d’un de leurs thèmes de prédilection. Ils se privent ainsi d’une tribune pour exposer leurs idées et peut-être en faire adopter quelques-unes. A moins qu’ils ne préfèrent garder leurs bons mots et formules ciselées pour leurs interviews télévisées.
Pour les députés de la minorité gouvernementale, il leur restera une possibilité de nuancer un texte mais dans leur diversité pas sur qu’ils ne votent comme un seul homme.
Pour les LR, leur heure de gloire de la législature, ils montrent à leurs électeurs et aux Français qu’ils continuent d’exister et de peser dans le débat national. Peut-être le début d’une nouvelle forme de cohabitation.
Au final, les grands perdants sont d’une part les Français qui plébiscitent un débat sur ce thème et qui ne verront pas des idées aussi légitimes que diverses s’exprimer dans le lieu du débat national ; et d’autre part les députés, eux qui ne cessaient de vociférer qu’ils étaient réduits au silence privé de leur rôle à chaque déclenchement d’un 49-3, les voilà qui se musèlent eux même.
Dans cette histoire, tout le monde a préféré voir la coupe à moitié vide que la coupe à moitié pleine, alors qu’elle n’était peut être ni pleine ni vide, mais à remplir du flot des idées et des débats de nos députés.
F.A.