Nous avons appris, hier matin, le décès de François MIERMONT, personnage ô combien illustre de Canet-en-Roussillon, tant il a marqué la célèbre station balnéaire du littoral roussillonnais par son implication, avec sa bande de copains, en s’investissant culturellement, commercialement et amicalement dans les plus belles années qui ont forgé la célébrité de la commune.

A cette (grande) époque-là, pas  un restaurant, pas une terrasse de café, pas un club de plage, pas une boutique, pas une “night” canétoise, pas une conversation, pas un vernissage, pas un anniversaire, pas une blague, pas une rue de Canet de la plage au village, pas un lieu où sa silhouette ne circule, s’agite, se déploie. François MIERMONT est de toutes les fêtes, de toutes les initiatives, de toutes les innovations ; il n’y a pas une décision portée par l’air du temps sans que son avis ne soit demandé, consulté, suivi ou pas.

Artiste-peintre-écrivain, conteur inimitable et facétieux, baroudeur, auteur-compositeur-interprète d’inoubliables et d’irrésistibles brèves de comptoir, il faisait partie de ses personnages influents, attachants, auxquels on se confiait volontiers mais uniquement pour partager des moments de grand bonheur dans le joli roman de la vie.

Il s’est éteint à l’âge de 74 ans, rongé par la maladie depuis des mois.

Nous avons une pensée très émue pour sa famille, pour son épouse Sylvie, sn fils Loïc,  ses proches et ses très nombreux vrais amis,  en particulier Pierre MERICO, adjoint au maire de Canet-en-Roussillon, et Jean-Louis MONTGAILLARD… sans oublier l’ami de quarante ans qui vit aujourd’hui à Saint-Domingue, Richard BEAUVAIS.

 

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Ici, à ouillade.eu, le 8 décembre 2013, u détour d’une exposition, nous lui avions consacré un long article, que nous reproduisons ci-dessous. Ce fut incontestablement l’une de nos plus belles rencontres, ou plutôt “retrouvailles”

 

François (Adhémar) Miermont.

 

Il est sans (aucun) doute le Canétois le plus connu parmi les authentiques, les gens du cru.
Dans les années Soixante-dix-Quatre-vingt, il a été de tous les courants, intégrant une tribu d’artistes locaux dans tous les sens du terme, qui a laissé son empreinte en politique comme dans le domaine culturel ou les secteurs de l’économie. Lorsqu’on croisait « MIERMONT » sur son chemin, on en revenait pas indemne, indifférent : on s’en souvenait forcément longtemps, longtemps après, tellement les anecdotes fusaient.
Rarement, sur le sol roussillonnais, un individu, ou plutôt un personnage pardon, n’aura accumulé autant d’histoires semées et ramassées aux quatre coins du monde. Sa vie, ou plutôt le parcours de sa vie, est un véritable show : avec ses troupes d’élites, ses forces spéciales aussi, ses excentricités (capable de sauter dans une chemise hawaïenne sous un chapeau melon – c’est une image…), sa horde d’hippies apprentis en méditations permanentes, ses paris mutuels…
On l’imagine aisément savourer une omelette norvégienne en plein Sahara, sortant d’un temple multicolore à la main d’une déesse guerrière aux vingt bras armés, etc.-etc., alors qu’il savoure une palombe flambée quelque part en Sologne. A moins qu’il ne soit déjà en terrasse dans le quartier parisien de Belleville en train de déguster un Mojito, ou plutôt un « sky » c’est davantage son style.
Vous l’avez compris, derrière son look de baroudeur, se cache – mais il ne s’en cache pas – en fait un artiste attachant, un conteur redoutable, une sorte également quelque part de pirate des Caraïbes à la sauce d’antan (c’est-à-dire rien à voir avec un pirate de Somalie d’aujourd’hui), pas aventurier pour un sou, qu’il se défend d’être…
Pour notre plus grand bonheur, assagi par le cap (bien dépassé) de la soixantaine, MIERMONT est venu se (re)poser au pays, à Canet-en-Roussillon, face à la mer (c’est toujours plus pratique pour s’échapper sans être contraint par l’horizon). C’est là, désormais, qu’il trempe sa plume, à la rédaction d’un ouvrage dont le sommaire s’articulera autour d’une dizaine d’histoires vraies. Vécues.
La plus rocambolesque concernera vraisemblablement l’année 1993. Parce qu’elle est tellement d’actualité : cette année-là, MIERMONT est contacté par une de ses amies, attachée de presse d’une célèbre animateur de télévision qui officie et qui cartonne toutes les semaines sur France Télévision. MIERMONT est reçu avenue Foch, à Paris. D’autres personnalités sont présentes au rendez-vous. Il s’agit d’effectuer un transfert de fonds en Suisse, mais pour cela l’argent doit être sorti de Nigéria pour être transporté et déposé jusqu’à Berne.
Parmi les personnalités présentes lors de cette entrevue, il y a un avocat de renom, qui a pignon sur rue dans la capitale et les média. L’argent doit être récupéré auprès d’un membre de la soi-disant NNPC (Nigerian National Petroleum Corporation) et celui qui se rendra sur place pour récupérer les fonds sera gratifié de l’équivalent de 300 000 Francs de l’époque…
Selon les intervenants : « tout est légal, tout est en règle, mais il faut aller au Nigéria ».
Finalement, MIERMONT, toujours prêt à se laisser séduire par la tentation de l’exil, accepte la mission.
Quelques jours plus loin, il débarque à Lagos :
– « Je devais au départ y rester seulement trois jours. Le temps de remplir les papiers administratifs et de récupérer la valise… A l’aéroport, je suis accueilli par trois mecs de la NNPC, qui se présentent comme tels en tout cas, et qui me conduisent dans un hôtel de la capitale nigériane. Je me retrouve dans un faux bureau, avec un faux notaire et un faux avocat et, bien sûr, de faux dirigeants de la NNPC. Mais ça, je le saurai bien plus tard. En attendant, tout ce beau monde me réclame la somme de 50 000 dollars pour débloquer les fonds. J’appelle mes amis – « mes-amours-mes-emmerdes-etc. », comme dans la chanson d’Aznavour – pour leur dire d’effectuer le virement sur un compte. Ils le font. Puis on se revoit le lendemain. Je ne me doute toujours pas qu’en face de moi je n’ai que de faux individus par rapport aux fonctions qu’ils prétendent occuper… ».
Au prochain rendez-vous, qui doit être le moment de la signature et le dernier jour de MIERMONT sur le sol nigérian, les faux individus prétextant une fluctuation du dollar exigent le versement de 300 000 dollars, sinon il n’est plus question de signer : « J’ai compris que j’étais dans de sales draps. Je me retrouve littéralement enlevé et transporté dans une propriété à une cinquantaine de kilomètres de Lagos pour y être isolé. Je suis alors entouré d’hommes armés jusqu’aux dents. Comme je parle bien l’anglais, j’arrive rapidement à sympathiser avec mes geôliers. Je leur demande de me ramener. Il n’en est pas question. Ils refusent systématiquement. Quinze jours passent, puis ils me ramènent à Lagos, dans mon hôtel. Toujours pas de nouvelles des 300 000 dollars. Ils s’impatientent. J’en profite pour simuler un malaise dans la chambre. Cela semble plutôt les rassurer de me sentir malade, ils vont donc dans le hall de l’hôtel pour suivre un match à la télé. J’en profite pour m’évader. J’arrive à rejoindre l’aéroport après maintes et maintes péripéties. Comme j’avais toujours sur moi mon passeport, je glisse dedans un billet de 100 dollars qui me restait et je le tends au douanier. C’est comme cela que j’ai pu m’enfuir. J’avoue que j’ai eu très chaud. Car ils m’auraient liquidé ! ».
Quant il revient sur cette histoire, MIERMONT insiste sur le fait que si au départ il a accepté cette mission, c’est bien parce qu’elle lui paraissait sérieuse : « Contrats, contacts sur le terrain, tout était sérieux. Il y avait eu un mois de préparation de part et d’autre avant mon départ. Il était prévu que je ne reste à Lagos que trois jours… C’est lorsque j’ai été pris en charge à Lagos que j’ai commencé à comprendre que je m’étais mis dans un sale pétrin… Vingt ans après, puisque nous étions en 1993, lorsque je regarde la télé et tout ce qui se passe en Afrique, je constate que le Nigéria est toujours un pays de pirates… Autant dire que je n’y suis jamais retourné ! J’ai eu beaucoup de chance, je ne suis pas un aventurier… Je ne suis pas du genre courageux, mais face au danger je ne baisse pas les bras. J’avais à ce moment là l’avantage, certes, de parler couramment anglais, mais aussi de ne pas être agressif, impulsif, mais plutôt sympa et un peu naïf… Quand j’y repense, tout était faux ! J’ai quand même passé une quinzaine de jours terribles, avec un mec qui dormait à mes côtés, je ne pouvais pas bouger, j’ai perdu dix kilos ! Mes geôliers étaient assez jeunes et ils se disaient proches du gouvernement nigérian de l’époque ».
A son retour, bien sûr qu’il a revu ses amis parisiens : « Il étaient un peu merdeux… ça leur a coûté quand même 50 000 dollars qu’ils ont dû verser chez un intermédiaire à Londres… ».
Entre deux toiles – car MIERMONT peint, expose et vend ses tableaux – il peaufine donc son livre. Des récits qui sont très attendus. L’actualité internationale nous a permis de le rencontrer pour un éclairage sur un Nigéria décidément indémodable…

MIERMONT exposera à La Maison de la Catalanité, à Perpignan, du 13 décembre 2013 au 14 janvier 2014, dans les cadre d’un collectif intitulé « Les alchimistes », organisé sous l’égide du Conseil général des Pyrénées-Orientales.