Communiqué de Mustafa

“Je voudrais dire les deux souvenirs que je vais emporter d’ Estagel alors que j’ai décidé d’y venir, dans ma situation d’exilé économique venu d’Espagne, parce que le maire est « communiste ».

Le premier, c’est celui de la belle promenade des platanes, ombragée à souhait où l’on respire la fraîcheur en été mais où l’on souffre du froid qui vous pénètre jusqu’aux os aussi lorsque l’on dort dans la voiture en hiver. La proximité de la rivière certainement. Si un jour j’ai la chance de pouvoir construire une famille, d’avoir des enfants, je reviendrais en « pèlerinage » pour leur montrer où, pendant plus d’un an et demi de ma vie, j’ai souffert de me voir considéré à peine mieux qu’un chien. Je garde aussi le souvenir des deux Noëls, seul, avec pour compagnons les platanes centenaires qui semblaient vouloir me protéger de leurs branches séculaires.

Le deuxième souvenir, ce sera Joseph Jourda. Mon rayon de soleil dans cette tempête de la vie. Avec sa casquette à l’effigie du Che en été et son béret visée sur la tête en hiver, accompagné de son chien Pif, il était celui qui arrivait avec des mots réconfortants, pleins de gentillesse, de simple humanité. Sans sa présence, son esprit de révolte qui a continué de me faire croire en l’homme, je ne sais pas ce que je serais devenu. Je préfère ne plus y penser. A sa vue, je revoyais mon oncle au Maroc, disparu dans un accident, lui aussi communiste comme lui. Je garderais aussi une pensée pour Lydie qui, avec le Secours Catholique, m’ont secouru dans ma détresse.

Ce témoignage, c’est Joseph qui l’a rédigé sous ma dictée. J’espère un jour pouvoir écrire dans la belle langue de Molière, Jean-Jacques Rousseau, Victor Hugo, Aragon ou encore Saint-Exupéry. Je garde espoir dans leur France.

Merci à Ouillade d’avoir publié ce texte de souvenirs”.