(Vu sur la Toile)
« Pour les sismologues, le tremblement de terre au Maroc de la nuit dernière n’est pas une surprise »
(Article du journal Le Figaro)
Le Figaro.- Un puissant séisme a secoué le Maroc dans la nuit de vendredi à samedi. D’une magnitude de 6,8, la secousse a provoqué d’énormes dégâts et semé la panique à Marrakech et d’autres lieux très prisés par les touristes étrangers. Le bilan provisoire fait déjà état de plus de 1 300 morts et plus de 1 200 blessés. Plus de la moitié des morts (542) ont été recensées à Al-Haouz, épicentre du séisme et à Taroudant (321) plus au sud, deux zones rurales montagneuses au cœur du Haut Atlas, dont la tectonique est responsable du séisme de la nuit dernière, explique Robin Lacassin, directeur de recherche à l’Institut de Physique du Globe de Paris, de l’Université Paris Cité.
Le Figaro.- Le Maroc est-il un pays particulièrement exposé au risque de séisme ?
Robin Lacassin.- “Le Maroc est un pays où la tectonique active est modérée mais non nulle. Bien qu’il soit moins exposé que les pays de l’Est de la Mediterranée, tels que la Turquie ou la Grèce, le risque de séisme y est significatif. La côte méditerranéenne du Maroc est la zone la plus sismique du pays. Il s’y est produit le tremblement de terre d’Al Hoceima en 2004, de magnitude 6.4, qui a fait plus de 600 victimes. Mais les montagnes de l’Atlas sont également sismiques. En cela le séisme de la nuit dernière n’est pas une surprise pour les sismologues”.
Ce séisme était-il prévisible ?
Robin Lacassin.- “Nous n’avons pas de méthode fiable pour prédire les séismes. En d’autres termes, on ne peut pas faire de «météo sismique». Ainsi il est impossible de prédire les séismes de la semaine ou l’année à venir. Par contre, les géologues et sismologues peuvent identifier les zones à risque, évaluer le degré d’activité des failles, et ainsi calculer les magnitudes et récurrence (temps de répétition entre deux évènements) probable des séismes. Grâce à cela on peut évaluer l’aléa sismique et s’y préparer”.
On compare le tremblement ce tremblement de terre à celui d’Agadir en 1960, qui avait fait près de 15 000 morts. Les causes de leurs déclenchements sont-elles similaires ?
Robin Lacassin.- “Les deux séismes sont liés à la tectonique de la chaîne de montagnes du Haut Atlas. Même si ce n’est pas la même faille qui a rompu, les deux participent au même système qui est responsable de la croissance des reliefs du Haut Atlas. Par contre, il faut noter que le séisme d’Agadir avait une magnitude estimée à 5.8, donc un point de moins que celui de la nuit dernière. Ceci signifie trente fois moins d’énergie mise en jeu. Mais son épicentre était situé juste sous la ville et à très faible profondeur, ce qui explique les très importants dégâts”.
Faut-il craindre des répliques ?
Robin Lacassin.- “Comme après tout séisme, il y aura des répliques dans les prochains jours et semaines. Les répliques sont en général de magnitude plus faible que la secousse principale. Néanmoins, après un séisme de magnitude 6.8, on peut attendre quelques répliques atteignant les magnitudes 5 ou 6. Sur des constructions déjà fragilisées, cela peut faire de nouvelles destructions et accroître le bilan humain”.
La magnitude d’un séisme n’est plus mesurée selon l’échelle de Richter, jugée obsolète par les scientifiques. Pouvez-vous expliquer pourquoi ?
Robin Lacassin.- “La magnitude de Richter, datant de 1935, est imprécise et non universelle (lors de sa création par Richter, elle était adaptée à la Californie). Pour les petits séismes on utilise encore une magnitude assez semblable, appelée magnitude locale (notée ML). Mais elle présente les mêmes défauts, et surtout n’est pas adaptée aux forts séismes car elle sature. Les sismologues utilisent plutôt la magnitude de moment qui mesure l’énergie libérée par le séisme. Celle-ci est directement reliée à la rupture sismique et au glissement qui s’est produit sur la faille lors du séisme. Cette magnitude est notée Mw. Le séisme de la nuit dernière a été estimé entre 6.8 et 6.9 en magnitude de moment”.
(Source La Figaro)