La rumeur devenait de plus en plus insistante ces derniers jours, c’est désormais officiel, même si d’un côté (Jean-Paul Hartmann, le principal intéressé) comme de l’autre (Guy Lormand, son employeur le P-DG du groupe familial Roussill’Hôtels), on ne souhaite pas pour l’instant s’étendre sur le sujet : les deux personnalités se séparent “à l’amiable”…
Au bout de vingt-deux ans de complicité – un record régional dans cette activité professionnelle ! – Jean-Paul Hartmann, incontestablement l’un des plus talentueux et des plus couronnés par la critique gastronomique chefs de cuisine du Languedoc-Roussillon, quitte donc les fourneaux de l’Almandin (Hôtel quatre étoiles de l’Ile de La Lagune), ancré dans le quartier des Capellans à Saint-Cyprien plage sud.
A peine arrivé dans l’établissement flambant neuf, en 1990, Jean-Paul Hartmann avait vite décroché son étoile au firmament du guide Michelin, raflant la mise également chez Gault-Millau et au Bottin Gourmand, entre autres bibles gastronomiques.
De lui, un autre très grand chef de cuisine originaire de Cahors dans le département du Lot et qui a longtemps exercé à Toulouse, Lucien Vanel,qui a marqué toute un génération, disait : “Jean-Paul Hartmann a fière allure, grand blond distingué, attentif et curieux à la fois et, de ses expériences passées, il a su apprivoiser les casserolles. Il respecte le produit, garde une main légère sur les épices, porte un oeil dubitatif sur la cuisine moléculaire. Une forme de sacerdoce qui ne peut que me séduire. C’est de notre collaboration que naquirent les Tables d’Honneur. Fameuse trouvaille ! Tout au début elles connurent des fortunes diverses. La célébration du homard ou de la truffe remplissait le restau (…). Passer de la brosse à reluire n’est pas mon truc mais je vous le dis Jean-Paul Hartmann est un grand cuisinier. Et, accompagné par son épouse Catherine, ils sont de cette trempe d’hôteliers qui savent faire vivre une maison. Une maison comme on les cite, surtout comme on les aime”.
Entre autres nombreux succès culinaires, on doit à Jean-Paul Hartmann dans les cuisines de L’Almandin : le Blinis de pommes de terre aux anchois façon Collioure (barigoule d’artichauts violets, tapenade et caviar d’aubergines) ; le Filet de rouget de Méditerranée (cocos frais écrasés à l’huile d’olive, tomates confites et ventrèche) ; la Raviole de cèpes (mousserons et Champignons de Paris) ; l’Effeuillé de morue fraîche en “escalivada” (huile de ciboulette au citron) ; la Tarte fine aux anchois frais (aux tomates confites à l’aïl) ; le Civet de homard au Collioure “Côté montagne” (aux jeunes carottes caramélisées au jus d’orange et au gingembre) ; les Suprêmes de pigeon laqués (purée de petits pois frais, jus aux épices et au gingembre) ; les Noix de ris de veau braisées aux morilles (sauce crème)… son Ronsard au chocolat noir et blanc (dessert).
Jean-Paul Hartmann ne retrouvera pas les cuisines de “son” Almandin, en juin prochain, lors de la réouverture au public de l’établissement après six mois de travaux (une première depuis la création de ce luxueux hôtel-restaurant de Saint-Cyprien plage).
Pour l’heure, Jean-Paul Hartmann et Catherine vont prendre du recul, se rendre plus souvent à Montréal (Québec), où leur fils Geoffrey, âgé d’une vingtaine d’années, exerce avec passion et talent le métier de boulanger depuis maintenant deux ans. Le maître cuisinier de France n’a rien lâché de son futur immédiat, si ce n’est qu’il souhaite se séparer de son employeur “en bons termes”. Il semblerait que ce soit la perte du macaron dans l’édition 2012 du guide Michelin qui est à l’origine de la brouille enttre les deux hommes. Mais Jean-Paul Hartmann, homme qui place souvent l’affectif au premier plan de ses relations humaines, n’est pas un individu à rendre son tablier en jetant de l’huile sur le feu. Quoi qu’il ensoit, il demeure et demeurera comme le cuisinier qui aura le plus et le mieux marqué – aux côtés des Jean Plouzennec, Didier Banyols, Jean-Marie Patrouix, Pascal Borrell, Patricia Gomez, Michel Aubailly et autres Bernard Delcher – les années 90/ 2000 au plan culinaire sur le sol roussillonnais. Incontestablement, et c’est incontesté.