Article paru dans le journal Les Echos…

 

Effet de la crise sanitaire, l’économie espagnole subit la pire chute enregistrée en Europe jusqu’à présent, avec l’activité touristique en panne sèche. La faiblesse parlementaire du gouvernement de Pedro Sánchez freine une riposte rapide à la récession.

Dégringolade sans précédent pour l’économie espagnole. Le PIB du pays a chuté de 18,5 % au deuxième trimestre et le pays accuse la plus forte glissade des grandes économies de la zone euro, selon les chiffres publiés vendredi par l’Institut national de statistiques (INE)

Cette chute dramatique du PIB multiplie par trois celle du trimestre précédent (5,2 %) et signifie un recul de 22,1 % sur les 12 derniers mois pour le pays, le plus fort depuis la guerre civile. Elle est dans la lignée de ce qu’anticipaient les analystes ces derniers jours, après des mois marqués par le confinement et l’arrêt total de l’activité des entreprises, réduites au télétravail avant une timide reprise de l’activité. Cette dernière se solde par une diminution de 22,5 % du nombre d’heures travaillées sur la période , au total le trimestre subit une chute de 21 % de la consommation des ménages et de 26 % des investissements productifs.

Dépendance du tourisme
Le pays fortement frappé par la pandémie paye sa très forte dépendance du tourisme qui contribue d’habitude à 12,3 % de la richesse du pays. Le secteur a été mis en cale sèche par la fermeture des frontières et l’hôtellerie, alors que commerce et les transports reculent de 40 %. Les exportations, fortement marquées par le poids du secteur automobile et du tourisme habituellement, dévissent et se contractent de 33,5 %. Seuls les secteurs déclarés essentiels tirent leur épingle du jeu, comme l’agriculture, avec une progression de 4,4 % et la banque (3,4 %).

Du côté du gouvernement, la ministre de l’économie, Nadia Calviño assure que les parades mises en place, avec l’injection de 100 milliards crédit garanti par l’Etat aux entreprises, ainsi que le déploiement des mécanismes de chômage partie l, ont évité une casse majeure qui aurait pu déboucher selon elle sur une plongée du PIB « de plus de 25 % ».

Pas de riposte rapide
Mais faiblesse parlementaire du gouvernement de Pedro Sánchez freine la riposte rapide à cette récession brutale. « Le chef de l’exécutif s’est centré ces dernières semaines sur la négociation du plan de relance européen à Bruxelles, mais il n’a pas encore abordé les problèmes réels du pays ni tracé sa politique économique, indique l’économiste Juan Carlos Martinez Lazaro, professeur à l’IE business school de Madrid. L’Espagne a tiré correctement son épingle du jeu avec 140 milliards d’euros de subventions et crédits, mais le plan de reconstruction national en est pour l’instant resté à des grandes lignes faute de consensus entre les partis. »

Sans chiffres concrets
Le gouvernement compte utiliser l’injection des fonds européens pour avancer vers une transition verte, la digitalisation de l’économie, le renforcement du système sanitaire et l’éducation et la formation. Le Parlement n’a pour l’instant voté que des déclarations d’intention, sans poser de chiffres concrets et la bataille du budget devrait commencer en septembre.

Il est difficile de savoir comment le socialiste Pedro Sánchez compte naviguer, entre l’appui de Podemos sur sa gauche, des indépendantistes catalans et des libéraux de Ciudadanos. Il va devoir poser sur la table la question des retraites, de la flexibilité du travail et de hausses d’impôts et les alliances vont être compliquées à gérer. D’autant que la situation pourrait encore s’aggraver si le rebond des contagions continue d’entraver la reprise de l’activité au troisième trimestre. Le PIB annuel pourrait se contracter de 15 % en cas de forte reprise de la pandémie, selon les prévision de la Banque d’Espagne.

Cécile Thibaud (Correspondante à Madrid)