(Vu sur la Toile)
« La fraude est un problème majeur dans le secteur du vin » : une start-up lyonnaise traque les bouteilles falsifiées
(Article de Clara Griveau • Rédaction journal Le Figaro)
Le Figaro.- La clé de la solution de M&Wine se trouve dans l’analyse de ce que ses fondateurs appellent l’«ADN minéral» du vin. En effet, chaque vin possède une combinaison unique d’environ quarante éléments minéraux qui dépendent du terroir, donc du sol, mais aussi des pratiques viticoles et des méthodes de vinification. Ces éléments, stables dans le temps, ne bougent pas comme les molécules organiques qui peuvent changer avec l’âge du vin ou les conditions de stockage. Théodore Tillement, cofondateur de M&Wine, résume : « Chaque vin possède une empreinte minérale qui lui est propre, comme un ADN ». Cette signature minérale permet de retracer précisément l’origine d’un vin, même des années après sa production.
Grâce à une base de plus de 40 000 références, la start-up est capable, avec seulement 2 millilitres de vin, de comparer un échantillon à des profils minéraux enregistrés. Avec à la clé un «passeport» minéral, qui certifie la région d’origine, le cépage utilisé, et la méthode de vinification. « Ce n’est pas l’IA qui nous intéresse. C’est la donnée », souligne le directeur de M&Wine, en précisant que l’authenticité des vins ne repose pas uniquement sur l’intelligence artificielle, mais sur la qualité des données qu’elle collecte et traite.
Une traçabilité totale
« La fraude est un problème majeur dans le secteur du vin. Nous, on veut sécuriser ça », explique Théodore Tillement. Grâce à l’analyse minérale, M&Wine permet de prouver l’authenticité d’un vin et d’assurer aux consommateurs qu’ils achètent vraiment le vin annoncé sur l’étiquette. Aujourd’hui, de nombreuses initiatives misent sur des passeports numériques sécurisés, utilisant la blockchain, les QR codes ou la NFC pour garantir l’origine d’un vin. Ces dispositifs racontent une biographie : parcours logistique, mise en bouteille, déclaration d’origine… Mais pour M&Wine, cela ne suffit pas. « Ces systèmes racontent l’histoire du vin, ce que nous appelons sa biographie. Mais que vaut une biographie si elle n’est pas vérifiable ? », expliquent les fondateurs. C’est là que la biométrie minérale entre en jeu : une preuve physique, impossible à falsifier. « On propose une solution biométrique qui vient compléter les données biographiques déclaratives. C’est l’alliance des deux qui permet une traçabilité totale. »
Lors d’un défi organisé par M&Wine, l’intelligence artificielle a surpassé des experts humains en dégustation. Sur douze vins anonymisés, l’IA a identifié correctement le pays d’origine de chaque vin, un résultat bien supérieur à celui des dégustateurs humains. De leur côté, les dégustateurs professionnels n’ont trouvé que la moitié des pays et des cépages, et seulement 20 % des régions. Mais comme l’explique le cofondateur de la start-up à la Revue des Vins de France : « Ce n’est pas une guerre homme contre machine. C’est une preuve qu’on peut faire mieux ensemble ». Comme toute technologie, il y a une limite. Si un vin n’est pas présent dans la base de données, l’IA pourrait ne pas être en mesure de l’identifier correctement. Un exemple de cette limite : un vin du Jura, produit à partir du cépage poulsard, n’a pas été identifié comme tel par l’IA simplement parce que ce cépage est sous-représenté dans la base de données. « Ce qui est important, et ce que les gens oublient souvent, c’est que l’IA ne vaut que par la qualité des données qu’on lui donne », nous précise Théodore. D’où l’appel lancé aux domaines, caves et collectivités pour enrichir la base de données.
M&Wine s’adresse à tous les acteurs du marché : grande distribution, ventes aux enchères, concours… Par exemple, lors d’un concours, un prélèvement peut être réalisé sur le vin primé. Plus tard, si une bouteille affichant cette médaille est retrouvée en rayon, une simple analyse permet de vérifier qu’il s’agit bien du même vin. Enfin, Théodore Tillement note que si l’intelligence artificielle est déjà présente dans le monde du vin, elle est souvent utilisée pour des usages plus marketing. « Oui, il y a des IA dans le vin, mais souvent c’est pour faire des étiquettes, du marketing ou des fiches descriptives. » Ici, la finalité est différente : fournir un outil de vérification scientifique. « On redonne au vin ce qu’il a de plus précieux : sa vérité. »
(Source : Le Figaro)